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Vive l’Extrême Gauche ! (Chronique de Michel Visart)

Posted on 7 février 2025

Paru dans La Libre le 04 février 2025.

Vous, je ne sais pas, mais moi j’ai comme une boule dans le ventre. Une petite boule qui devient de plus en plus grande ces der­nières années, ces der­niers mois, ces der­niers jours. Une boule faite de peur, d’in­quié­tude crois­sante et de colère. Or je peux vous l’as­su­rer, je n’ai guère de vio­lence tapie dans mes tréfonds.

Quand j’ai été sol­li­ci­té par La Libre pour tenir cette chro­nique, il m’a été deman­dé “d’as­su­mer une posi­tion forte”. Pas évident quand on est un fervent abso­lu de la nuance dans un monde qui en a de moins en moins. Ceci écrit, pas besoin de me for­cer, pour une fois : la nuance à la poubelle !

Pour­quoi ce coup de gueule ? Tout sim­ple­ment parce que la situa­tion est grave et qu’elle pour­rait l’être de plus en plus si nous conti­nuons à fer­mer les yeux à double tour, voire à les ouvrir avec bien­veillance là où il fau­drait juste les écar­quiller d’ef­froi. Je n’exa­gère pas, soyez-en certain !

N’é­tant ni poli­to­logue, ni his­to­rien, ni pré­ten­du spé­cia­liste de quoi que ce soit, c’est en tant que citoyen que j’é­cris. Un citoyen qui a tou­jours été très heu­reux de rem­plir son devoir élec­to­ral dans un pays démo­cra­tique où l’exer­cice de la liber­té dans le res­pect des droits fon­da­men­taux de cha­cun est une valeur abso­lue. Heu­reu­se­ment, il ne faut pas encore uti­li­ser l’imparfait.

Voi­là une petite phrase appa­rem­ment ano­dine gla­née sur un réseau social bien connu : “Trump me fait peur. Mais est-il démo­cra­tique de mani­fes­ter contre quel­qu’un qui a été élu démo­cra­ti­que­ment ?”. Mais non évi­dem­ment, cher Mon­sieur, votre rai­son­ne­ment est bref mais inat­ta­quable. Les Amé­ri­cains ont eu le choix, des pri­maires au jour J. Tout est en ordre, rien n’a per­tur­bé ce que l’on ose encore appe­ler la plus vieille démo­cra­tie du monde. Les tom­be­reaux de billets verts, les men­songes plus énormes les uns que les autres, les injures, les fake news à la pelle, tout cela est anec­do­tique et encore plus sans doute le fait que le nou­veau loca­taire de la Mai­son Blanche est un mul­ti-condam­né. Comme le disait en son temps un ministre de chez nous : “Tout va bien”.

Lais­sons donc les Amé­ri­cains bai­gner dans l’eu­pho­rie, c’est leur affaire. Enfin, presque. Chez nous, en Europe, tout va bien aus­si. Il pleut un peu trop, les prix aug­mentent, l’U­kraine n’est pas loin, pas de quoi se prendre la tête. Poli­ti­que­ment tout roule aus­si. Pre­nons au hasard quelques exemples : en Ita­lie, comme me le disait récem­ment un ami, Geor­gia Melo­ni fait du bon bou­lot avec deux par­tis accueillants, Fra­tel­li d’I­ta­lia et la Lega. En Autriche le sym­pa­thique Her­bert Kickl du FPÖ mène le bal. En Alle­magne (oui en Alle­magne !) les conser­va­teurs se sont alliés avec l’AfD pour faire voter un texte dur­cis­sant la poli­tique migra­toire. Aux Pays-Bas, en Fin­lande et en Slo­va­quie, l’ex­trême droite est au gou­ver­ne­ment. En France Le Pen approche de l’E­ly­sée. Sans oublier évi­dem­ment l’i­nef­fable Vik­tor hon­grois un démo­crate de pre­mier choix.

Appe­lons un chat, un chat. Un extré­miste, un extré­miste. Si péril il y a aujourd’­hui chez nous en Europe comme aux États-Unis, c’est bien de l’ex­trême droite qu’il vient. Et pas de l’autre côté ! Arrê­tons de mettre sys­té­ma­ti­que­ment sur le même pla­teau extrême gauche et extrême droite. Intel­lec­tuel­le­ment et his­to­ri­que­ment, on peut en dis­cu­ter mais poli­ti­que­ment et hon­nê­te­ment, affir­mer que l’ex­trême gauche est actuel­le­ment mena­çante chez nous est un men­songe, voire une manœuvre. Que pèse-t-elle ? Par contre, dans le lan­gage et les prises de posi­tion de cer­tains, tout démontre la dérive conti­nue et par­fois incons­ciente vers le bout du bout de la droite.

Alors oui je suis inquiet, oui je suis en colère, oui j’ai peur. La menace est une réa­li­té. L’é­qui­libre gauche-droite est sain pour une démo­cra­tie. Ajoutez‑y le mot “extrême”, même en non-dits, et c’est fou­tu. Voi­là pour­quoi, outre qu’elle ne m’in­quiète pas aujourd’­hui, je dis “Vive l’ex­trême gauche”. Je ne vote pas pour elle mais j’y entends encore des mots comme soli­da­ri­té et jus­tice pour tous. Ter­mi­nons sur cette si belle devise : “Liber­té, éga­li­té, fraternité”.